Le label ‘NOWLANDS’
Musiques et sons d’aujourd’hui
Consacré à la musique contemporaine et d’avant-garde, ce jeune label est l’espace d’expression des dernières recherches en composition et expérimentation sonore.
EN ECHO
Ensemble Accroche Note
Françoise Kubler soprano Armand Angster clarinette
Œuvres de :
Franco Donatoni, Luis Naón, Bruno Mantovani, Philippe Manoury
#TAC015
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La voix est le plus ancien et le plus complet des instruments de musique : elle peut bruire, chanter, parler, chuchoter, détimbrer et poitriner, nulle limite de conception ou de facture ne lui barre l’accès aux tiers, aux quarts ou aux huitièmes de ton. La clarinette, à l’origine, était plutôt un instrument héroïque — Berlioz
souligne encore cet aspect de sa riche personnalité ; Mozart, l’avait rendue sensuelle, (ce qui n’est pas incompatible) en l’associant à la voix féminine, Weber lui a donné les ailes d’une virtuosité capiteuse… La vaste étendue de sa tessiture au long de laquelle presque toutes les nuances sont possibles, et l’évolution de la facture, en ont fait l’instrument de prédilection des compositeurs du XXe siècle.
On clamait pourtant dans les années cinquante que les instruments allaient disparaître au profit de la musique électroacoustique aux ressources infinies. La bande magnétique, malléable, puis garante de la fidélité absolue au vouloir du compositeur et, plus encore, la musique générée et régie par l’ordinateur, ne pouvaient se comparer qu’à la voix humaine. La voix et l’électronique ne résistèrent pas à la tentation de se marier sans penser que, tôt ou tard, le charnel languirait sur la couche du virtuel. Alors la clarinette se glissa sous la couette où l’attendait la coquette. L’électroacoustique, tiqua, toussa et s’expliqua : « mieux vaut s’accommoder de ce qu’on ne peut empêcher » signe évident qu’elle avait en mémoire les contes de Boccace.
Les quatre œuvres réunies ici, suscitées par l’excellence et l’exigeante activité de l’ensemble Accroche Note, dédiées à ses fondateurs Françoise Kubler et Armand Angster, font la part des choses. Cinis de Franco Donatoni et Cantate n° 2 de Bruno Mantovani, sont des pièces purement acoustiques. L’une, placée sous le signe de la virtuosité équitablement distribuée, confronte le timbre un peu voilé de la clarinette basse et le mordant de la déclamation vocalisante ou sèche d’une phrase latine fragmentée à l’infini sinon réduite en cendres (« Cinis »).
L’autre emprunte les vers d’un poème de Giacomo Leopardi (Imitazione) évoquant le vol incertain des feuilles loin de l’arbre qui les portait. Dépassant de loin la métaphore d’une métaphore, les errances poignantes de la voix, les rafales de clarinette seule, leurs dialogues serrés, leurs unions fragiles, l’incertitude des micro-intervalles et des rythmes complexes entretiennent chez l’auditeur un malaise subtil, intensément poétique.
Le rapport musical entre les textes philosophiques de R. E. Fogwill et le sept brefs Ultimos Movimientos de Luis Naón est beaucoup plus abstrait ; singulièrement, l’électroacoustique n’intervient pas pour ajouter des couleurs, des bruits, des sons inouïs, mais (dans les n° 2, 4 et 6) pour démultiplier la voix ou la clarinette et offrir ainsi des trames harmoniques plus riches.
À l’inverse, Philippe Manoury, tempérament lyrique et pionnier de la live electronic où la transformation immédiate des sons par ordinateur est à la base de la conception de l’oeuvre, place la voix et la clarinette face à des miroirs déformants créant un univers fantasmagorique d’une rare puissance dramatique. Si l’on a pu prétendre que la technologie tuait l’émotion, Illud Etiam serait au moins l’exception qui confirme la règle.
Gérard Condé
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